Jacques Solletty
De la photographie numérique au cyanotype, un pas vers la peinture
Pratiquant la photographie tout en regrettant de n'avoir jamais pratiqué la peinture, les cyanotypes me permettent de réunir les deux : l'immédiateté de la prise de vue de l'appareil photo reflex numérique associée à la qualité du cyanotype dont le produit photosensible est passé au pinceau. Cela introduit une dimension gestuelle à l'image que l'exécution parfaite d'une imprimante aurait laissé bien de côté.
Je continue mon travail suivant trois axes :Les paysages.
La peinture chinoise et japonaise ne sont jamais très loin dans ma mémoire : montagnes, mer, pins, etc. La monochromie du noir de Chine produit, certes, des images bichromes, ce qui n'est pas tout à fait le bleu (de Prusse) et blanc du cyanotype mais je m'autorise tout de même un lien méandreux avec les célèbres estampes des 36 vues du Mont Fuji, car bien que très colorées, ces estampes étaient surtout vantées pour la grande nouveauté qu'était alors l'utilisation systématique du bleu de Prusse.
Les matières.
Ici, le paysage perd sa lecture première : renversements, frontalité ou encore perte d'échelle persistent et brouillent la vision que peut avoir le spectateur face à l'image. Que regarde-t-il réellement ? La monochromie du cyanotype renforce la perte de distance entre les différents plans de l'image.
Les lieux.
Une série de prises de vues à la chambre dans des lieux plus ou moins à l'abandon : anciens sites industriels, ruines, végétation sauvage. Là encore, le bleu du cyanotype amène une distance vis-à-vis du sujet photographié, donnant une certaine immuabilité et donc une certaine intemporalité aux images de cette série.
Quelle que soit l'image choisie, je pose toujours la même énigme au spectateur : qu'est-ce qui est donné à voir, comment l'interpréter, quoi donc imaginer, inventer, etc. ? Et j'ajoute encore, par ce bleu, une couche de difficulté sur l'image, agrandissant la distance séparant le spectateur de ce qui est photographié. Donc, en réalité au-delà de l'espace, je traite du temps. Aucun (ou très peu d')élément(s) permettant d'identifier l'époque et la technique de tirage employée datant de 1842, nous somme forcément renvoyés vers ce vertige du temps.
Jacques Solletty - 2017